A Vienne un soir

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Opérette : A VIENNE un soir

Spectateur nouveau à cette production des Tréteaux puisque le hasard de ma vie errante de prisonnier n’affectait le 18 mars au commando de Buss, il m'était enfin donné d’apprécier le jeu de cette troupe dont Brindilles avait déjà, un numéro, souligné la prodigieuse activité.
L’attention que me témoigna à mon arrivée son directeur compositeur Natalis Anquier me fut très sensible.
Cette sympathie spontanée que m’accorda votre aine, mes chers camarades, fut je crois, quelque choses comme un sauf conduit qui permit à l’étranger que j’étais, de m’introduire au sein de votre joyeuse bande d’artistes improvisés.
L’ambiance de camaraderie franche qui y régnait me mit bientôt à l’aise.
Je l’apprécierais chaque jour davantage, elle me vaut aujourd’hui un rôle de troubles fête: celui du critique.
Tant pis, devant cette tâche ingrate, puisqu’elle résume un effort de censure personnel, rendra
difficile parla précision qu’on lui demande dans le jugement, je m’efforcerai de justifier la confiance que vous m’avez accordé en m’assignant ce rôle.
Transfuge des kommando du Grand Stalag de Tréves, j’ai retrouvé ici, avec une surprise amusée, une formule heureuse: celle des comédiens, routiers dont la force réside dans 
l’élaboration minutieuse, par les artistes eux mêmes, des productions qu’ils sortent, ceci depuis le détail des décors et de la musique, jusqu‘aux travestis et au machinisme.
Appliqués à ce genre un peut spécial, auquel l’obligeait à priori le milieu de votre captivité qui les a vu naître, les Tréteaux y ont puisé, ça me semble, beaucoup de souplesse.
C’est du moins l’impression que me laissa en ce soir du 22 mars, l’audition de l’opérette de notre camarade Jean Chaput « A Vienne un soir »
Pour un coup d’essai dans l’art de composer, ce fut , je dois le dire, un coup de maître .
Puisse J - Chaput y trouver l’encouragement d’une inspiration nouvelle.
La partition écrite d’un style alerte, nous transporte par la musique qui l’enveloppe et la domine même au souvenir de cette autre Féerie Viennoise que fut le congrès s’amuse, dont elle  s’inspira.
Invitation à la réserve, à l’amour au bord de ce beau Danube, tout cela, c’est l’âme de Vienne au crépuscule. 
La musique du maestro Bleuez fut un triomphe.
Stauss n’est certes pas désavoué l’exactitude de cette copie  qui nous vaut la belle valse, si bien exécutée par l’orchestre A Vienne un soir.
Le verbe de cette musique Momy la trouva avec sa finesse.
Alors au bal « c’est un petit rien ».
A Paris autant de chansons séduisantes par leurs coloris et la fraîcheur de l’inspiration.
Des airs à succès que l’on fredonne à plaisir, parce qu’ils resteront toujours neufs.
Il fallait une ouverture (à l’opérette) Laquerriére, le mystérieux disparu de la troupe, en trouva le prétexte habile dans le choeur des figurants.
C’est aussi l’air du ballet où brilla tout particulièrement, par son dynamisme, le couple Vandamme Russeil . Vandamme, danseur trépignant, enleva la salle, dans son refrain chanté à Paris, danseur accompli, il eut encore une partenaire bien souple en la personne de Russeil.
Mention très honorable aux figurants Bordi et  Louette, aux figurantes Delhomme et Deloffre.
Jean Chaput fut une Lilian un peu indolente,  une Lilian de rêve, dont le visage semblait subir je ne sais quel dédoublement.
Jeu sobre, peut être embarrassé parfois de l’effort du compositeur, acteur lui même du rôle qu’il a conçu, cherchant a trop manger.

Magnifiquement dans l’apparat de son costume, Marescaux fut un prince caprice langoureux, très jeune.
Amoureux de la petite blanchisseuse viennoise Lilian il eut des jeux de scène empreints de délicatesse dans le duo serait ce un rêve ! Houfflin, petit camarade de travail de Lilian, incarna Hilda avec beaucoup de faciliter. La grâce impressionna  assurément le vieux Fréderic, dont le personnage fut bien rendu par Anquier, principalement  dans ces flirts où cet acteur démine 
 Nettement son rôle .Il y eut, je crois, à travers ces 3 actes, un décor splendidement réussi.
La brasserie de l’ami Frits, guinguette viennoise, dont le maître, personnage à l’humeur joviale, embuée de sarcasme dont les traits furent bien campés par Mandin, l’oncle de Lilian, dont le rôle était confié à Lejeune, aujourd’hui absent , parce que, rappelé à une autre activité.
Notre camarade nous le présenta un peu raidi, sous une grimace bien analysée.
Je me suis pour ma part , longuement attardé à l’image de cette scène de la prison, oh Lilian, victime de la confusion de son rêve trop fou, se voit soumise à la fustigation indulgente de ce geôlier centenaire, Manuel, Gilles, dans ce personnage de Manuel nous chante Goga je ne le suis pas, la richesse de son jeu entièrement mimé est entièrement belle, la puissance de l’interprétation semble révéler , de la part de son acteur, l’habitude de la scène tout son assistance est grande.
Officier guindé, Turpin, dans ses rares apparitions, sut faire comprendre qu’il n’était  que   l’envoyé de ces autres personnages de premier plan, la prime Borchet fut une cliente mièvre, bien stylée.
Je voudrais, avant d’achever le compte rendus de cette séance du 22 mars, dont la musique nous obsédera longtemps de son exquise légèreté, souligner les subtiles transitions de scène que sut se ménager l’auteur de « A Vienne un soir  », en créant le personnage du compère où Foussac, que je veux croire à jamais enfin du cercle épineux  qui bride nos  impatiences printanières, se sentit à l’aise.
Très bien également ce prologue du héros d’armes.
Constant annonça, avec la dignité rigide du fonctionnaire royal, dont on l’avait chargé,  l’événement tragique, préambule de l’opérette.
Le succès et la finale enfiévrée que connut le spectateur résultent un peu de l’harmonieuse fusion de la lumière et des couleurs.
C’est là le domaine des héros obscurs des spectacles théâtraux quelqu’il soit, je veux parler des machinistes ou si vous préférez, des accessoiriste  dans leurs spécialités.
Mentions d’excellences aux camarades Compagnon , Turpin, Constant, Pujos, Vanderberghe, machinistes fidèles et dévoués des Tréteaux .
Avec leurs jeux de lumière sacrement conduits, Immart et Adolphe, son compagnon, son sortis ce jour là, si j’ose dire , de l’ombre.
Enfin je me ferait assurément l’interprète des camarades spectateurs, en rendant un vibrant  hommage à notre grand, camarade, le petit Bouchet, je m’excuse de cette antithèse, je l’ai employé à dessein, pour stigmatiser le travail grandiose de cet artisan direct du succès, travail vraiment stupéfiant si l’on tient compte de la rapidité de son exécution.